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Tactiques de légende : Olympique de Marseille – Paris Saint-Germain (1-5)

Le contexte : C’est en bombant un peu plus le torse que les Parisiens, troisièmes derrière Monaco et Nice, se déplacent au Vélodrome après une phase aller en Ligue 1 marquée par plusieurs couacs à l’extérieur. Douze jours plus tôt, les hommes d’Unai Emery ont livré une copie parfaite contre le Barça. Ils tiennent enfin LE match référence et s’appuient sur ces garanties. La patte de technicien espagnol est de plus en plus palpable, comme la décontraction d’un groupe sûr de sa force.

En face, Marseille surfe sur l’air de la reconquête après l’arrivée aux manettes de l’investisseur américain Franck McCourt. Rudi Garcia avait vécu son premier match sur le banc de l’OM au Parc des Princes. Le souvenir est encore frais. Il avait limité la casse en obtenant un match nul et vierge avec un plan ultra-restrictif. Pour ce premier Clasico à domicile, l’entraîneur de l’OM est donc attendu avec une stratégie plus audacieuse.

Le onze parisien : Trapp – Meunier, Marquinhos, Thiago Silva, Kurzawa – Rabiot, Verratti, Matuidi – Lucas, Cavani, Pastore.

Le système : « 4-3-3 » sur la feuille de match.

Le match :

Le premier constat émane de la composition de Rudi Garcia, qui calque son système sur celui du PSG pour répondre à Unai Emery. Cela signifie que la différence technique entre les deux équipes va devoir être comblée par l’engagement et le jeu de position des Marseillais. Pendant les cinq premières minutes du match, l’idée est visible. Les joueurs de l’OM tentent d’asphyxier les Parisiens au milieu en faisant énormément de courses. La curiosité consiste donc à savoir comment Marseille réagira quand le PSG mettra le pied sur le ballon pour avoir une première phase de conservation longue. Après l’énergie déployée dans ces premières minutes, ce moment-là sera un danger. Mais Paris ne l’attend même pas pour débloquer le match…

Comme contre Barcelone, c’est sur un coup de pied arrêté que les hommes d’Unai Emery frappent une première fois. Celui-ci n’est pas direct. Et avec une organisation défensive moins poreuse, il aurait pu rester anecdotique pour l’OM. À plus de quarante mètres, Marco Verratti trouve Thiago Silva, seul, qui remise pour Marquinhos, dont la tête piquée douche le Vélodrome (0-1, 6e). Sur cette action, les Parisiens exploitent une série de défaillances dans le marquage de leur adversaire. La première pour Payet sur son duel avec Thiago Silva, la seconde pour Evra, qui laisse Marquinhos jaillir devant lui pour finir.

 

Le match de Dimitri Payet est d’ailleurs assez paradoxal. S’il reste une menace constante pour Paris parce qu’il est le joueur le plus créatif de l’OM avec le ballon, son implication défensive est à pointer du doigt. Impliqué sur l’ouverture du score, c’est lui qui sonne la révolte marseillaise avec une frappe du droit qui rase le poteau de Kevin Trapp. Les lignes sont déjà trop écartées, l’OM semble condamné à ce type d’actions solitaires.  Le PSG, lui, contrôle de plus en plus au milieu. William Vainqueur et André-Franck Zambo Anguissa souffrent. Sans avoir une possession de balle étourdissante, les Parisiens sont remarquables dans l’utilisation du ballon. Ils s’engouffrent dans toutes les brèches qui s’ouvrent, explorent toutes les zones. En résumé, le PSG d’Emery ne contrôle pas pour user l’adversaire. Il pique, l’assomme à chaque ouverture.

L’action du deuxième but est à montrer dans les écoles. L’intention y est aussi importante que la réalisation. Marco Verratti en est encore à l’origine. Plein axe, l’Italien voit Javier Pastore délaisser son côté gauche et fuir le but pour repiquer dans le cœur du jeu. Il sert l’Argentin dans sa course, qui fait une petite déviation tout en toucher pour Edinson Cavani, lequel conclut d’un ballon piqué de l’extérieur du pied, le tout à une touche de balle (0-2, 16e). Sur la construction de ce but, c’est la conjugaison du déplacement de Javier Pastore vers le ballon avec l’appel d’Edinson Cavani dans le dos des défenseurs qui brouille la lecture de l’adversaire.  Dans l’idéal, Sakai doit intercepter la passe de Verratti en passant devant Pastore quand Fanni, lui, doit anticiper l’appel de Cavani en restant sur ses pas, mais le Français est aimanté par le mouvement de Pastore. L’action illustre la complémentarité naturelle entre un joueur qui aime recevoir le ballon dans les pieds et un autre qui le sollicite dans l’espace. C’est une combinaison classique, mais imparable si les deux joueurs sont bien coordonnés.

Progressivement, le rapport de force vire à la démonstration. Patrice Evra est complètement dépassé et laisse sa place à Henri Bedimo à la pause. Bien que le troisième but parisien ne vienne pas de ce côté, ce choix ne change pas grand-chose. Dès le retour des vestiaires, Adrien Rabiot trouve Javier Pastore d’une balle en cloche, l’Argentin décale Layvin Kurzawa avec un coup du foulard pour le centre tendu du latéral gauche, coupé au second poteau par Lucas qui conclut d’un ballon fouetté de l’extérieur (0-3, 50e). Rudi Garcia tente alors un nouvel ajustement tactique en remplaçant Clinton Njie par Rémy Cabella, assumant de terminer le match sans avant-centre de métier mais avec l’idée de densifier son milieu. Le problème pour l’OM, c’est que le PSG a déjà commencé à exploiter parfaitement les côtés après s’être engouffré dans l’axe. Toute l’intelligence des Parisiens réside dans cette faculté d’adaptation pour répondre à la proposition de l’adversaire. La variété des attaques est remarquable.

Si troisième but est venu du côté gauche, le quatrième se construit à droite, sur une montée de Thomas Meunier. Le Belge se joue de Payet et déclenche un centre parfait pour Julian Draxler, entré en jeu juste avant et plus incisif que Rolando et Fanni (0-4, 61e). Au vu des dispositions des deux équipes, un exploit individuel ou un coup de pied arrêté constituaient les seules bouées de sauvetage pour voir l’OM marquer. C’est ce qui se produit. L’équipe de Rudi Garcia aura au moins eu le mérite de profiter d’un des rares moments de flottement dans la défense parisienne, où Rod Fanni est laissé seul pour ajuster une frappe en pivot après un coup-franc excentré de Payet et une remise de Sakai (1-4, 70e). L’écart sera pourtant le même que contre Barcelone quelques jours plus tôt. Paris récite son football et ajoute un cinquième but sur une action initiée par Lucas qui trouve Verratti à l’entrée de la surface côté droit. Le petit Italien combine avec Draxler pour se mettre en position de frappe mais il est sur son mauvais pied, et il choisit donc une solution encore plus judicieuse en levant la tête et en remisant à Blaise Matuidi, seul à l’entrée de la surface, qui a tout le temps d’ajuster Pelé d’un tir puissant de l’intérieur du pied gauche en pleine lucarne (1-5, 72e).

Il n’est pas simple de ressortir des joueurs dans une prestation collective aussi aboutie. Deux hommes sortent pourtant du lot : Javier Pastore et Marco Verratti. L’Argentin avait été lancé au coup d’envoi à la surprise générale. Il a rappelé pendant ce Clasico que son poste théorique sur une feuille de match ne change rien à ses déplacements. Sa constante disponibilité entre le milieu et l’attaque a apporté un surnombre dans une zone où Paris faisait déjà la loi. Et le natif de Cordoba a évidemment brillé par ses derniers choix, ses passes caressées, ses arabesques et cette élégance qui font de lui un joueur à part. Marco Verratti, lui, a amorcé de nombreux mouvements. L’Italien a été une sorte de quaterback inspiré, un meneur reculé qui n’a jamais paniqué dans le pressing et a souvent tout déclenché. Les deux joueurs sont impliqués sur trois buts.

Dans ce Clasico, l’alternance, la variété auront été les plus grandes forces de l’équipe d’Unai Emery, dans sa façon d’attaquer comme dans les zones qu’elle a explorées. Elle a encore brillé dans ces phases de transition dès qu’elle a récupéré le ballon. Après la victoire contre Barcelone, cette signature est désormais claire. Mais elle a surtout utilisé tous les outils qu’elle avait pour tuer le match. Un premier but sur coup de pied arrêté, un autre sur une combinaison plein axe, deux autres sur des centres émanant des côtés, et un dernier sur une frappe à mi-distance après une récupération haute. Cette démonstration collective a presque éclipsé l’opposition historique entre les deux clubs. Parce qu’il n’y a qu’un match qui peut sublimer une rivalité. Ce soir-là, il n’y en a pas eu.