Sélectionner une page

Tactiques de légende : PSG-Barça 2017

TACTIQUE DE LEGENDE : PSG – BARCELONE 2017

 

Le contexte : Quels sentiments peuvent bien animer les têtes à l’aube d’une nouvelle confrontation contre Barcelone ? Un peu de crainte et un surplus d’attention. Comme s’il fallait être au pied de la montagne pour regarder plus haut. Et s’accrocher. Le PSG le savait. Il a cultivé cette idée, avant de la voir se retourner contre lui quand les rôles se sont inversés. C’est ce que l’histoire retiendra d’un combat en deux rounds que le monde a regardé comme une série dramatique.

 

Bourreau des Parisiens en quarts de finale de la Ligue des champions à deux reprises dans l’ère qatarie (2013, 2015), le Barça éveille des blessures encore ouvertes, d’autant que les joueurs d’Unai Emery affrontent une attaque qui alimente tous les fantasmes, un jour de Saint-Valentin. Forfait de dernière minute, Thiago Silva laisse sa place au jeune Presnel Kimpembe pour se frotter à la MSN. L’électricité flotte dans l’air et le Parc retient son souffle.

 

Le onze parisien : Trapp – Meunier, Marquinhos, Kimpembe, Kurzawa – Rabiot, Verratti, Matuidi – Di Maria, Cavani, Draxler.

 

Le système : « 4-3-3 » sur la feuille de match.

 

Le match :
Paris joue dans le bon tempo dès les premières minutes. La configuration du match est rapidement visible. Les Parisiens proposent un bloc médian pour répondre aux milieux et aux attaquants Blaugrana, qui viennent camper sans idées aux abords de la surface parisienne. Le pressing est choisi, il n’est pas constant. Mais l’intensité est énorme. Adrien Rabiot donne le ton pour amorcer une première projection et imager ce qui va faire la force du PSG dans ce match : récupération, une-deux avec Draxler, appel de Matuidi dans l’espace. Les Parisiens intensifient la pression et se montrent de plus en plus autoritaires. Le début de match est déjà réussi.

 

Premier exemple de jeu en triangle entre Rabiot, Matuidi et Draxler.

 

Il se concrétise par une ouverture du score juste après le quart d’heure de jeu sur un coup-franc obtenu après une merveille de contrôle orienté de Julian Draxler. La frappe enroulée d’Angel Di Maria passe au-dessus du mur et retombe comme une feuille morte sur la gauche de Ter Stegen, qui avait fait un petit pas sur sa droite (1-0, 17e). Barcelone a une réponse à donner. Les hommes de Luis Enrique monopolisent le ballon dans les minutes qui suivent pour se mettre en situation de frappe, à défaut d’obtenir de réelles occasions. La seule intervient avant la demi-heure de jeu quand Neymar fait une percée côté gauche pour décaler André Gomes à l’opposé, seul, qui se présente devant Kevin Trapp et perd son face-à-face avec l’Allemand (26e).
Première conclusion : la possession ne prime pas. La qualité technique des Parisiens se trouve dans les sorties de balle. Ce plan est efficace parce qu’il est précis, difficile à lire, et divisé en plusieurs temps. Il démontre qu’il est possible de casser des lignes par des passes courtes sans contester la possession de balle inhérente au jeu de Barcelone. Ce qui signifie donc accepter de voir l’adversaire préparer ses actions mais minimiser ces séquences sans ballon, en quadrillant bien le terrain pour réduire les angles de passe et surgir au bon moment. Avant d’exploser, à plusieurs.

 

Dans ce thème-là, Paris livre une prestation collective de très haut niveau. Peut-être même le match le plus abouti de l’histoire du club, techniquement et collectivement. Tout y est. La synchronisation, la gestion de l’espace et du temps, et ces ingrédients qui ne se mesurent pas mais subliment toujours un plan : la débauche d’énergie, la solidarité, la spontanéité, une constante disponibilité. Le doute qui habite les Barcelonais est de plus en plus visible. À ce moment du match, le PSG reste attentiste. Mais il ne défend plus. Il attend pour contre-attaquer.

 

 

Les mouvements des deux joueurs offensifs de côté sont intéressants. Si Di Maria reste dans son aire du terrain à droite, l’Argentin repique dans le cœur du jeu pour se mettre sur son bon pied et trouver ses angles de passe, ou de frappe. Le circuit est habituel chez lui. Ce qui l’est moins, c’est le temps qu’il a pour agir. Julian Draxler, lui, joue une partition très variée : débordements à l’extérieur le long de la ligne, relais dans les zones de préparation ou appels en diagonale côté droit. Sur le premier cas de figure, il se procure une très belle opportunité en solo. Sur le dernier, il marque. Le Parc est en ébullition. Barcelone a déjà un genou à terre. Adrien Rabiot est à l’origine de ce break avec une récupération haute qui précède une combinaison Verratti-Di Maria, avant le décalage du petit Italien pour Draxler (2-0, 39è).

 

Deuxième but. Jeu en triangle entre Rabiot, à la récupération, Verratti, passeur et Draxler, à la finition.

 

L’exploit est en marche. Paris a fait mal en début et en fin de première période. Si la gestion parfaite des temps forts et des temps faibles est un rêve pour tout entraîneur, cela devient une réalité quand Angel Di Maria poignarde à nouveau Barcelone dès le retour des vestiaires. Cette action est la plus longue et la plus élaborée des quatre buts. C’est une relance qui part de la surface parisienne puis un nouveau relai avec Rabiot, dont bénéficie cette fois-ci Kurzawa pour se projeter et servir Di Maria. L’Argentin mystifie deux adversaires sur un petit geste – un changement d’inclinaison de son corps qui modifie sa course – et s’ouvre le champ pour un tir parfait (3-0, 53e).

 

Troisième but. Feinte de corps de Di Maria pour se défaire du marquage d’Iniesta et Jordi Alba et s’ouvrir un champ de tir.

 

La lecture de ce match fantastique se complique. Elle alimentera même les débats des jours qui suivront. Où est le Barça ? La démonstration du PSG ne peut pas être réduite à la copie catastrophique du club catalan. Cela n’occulte pas la débâcle de Barcelone mais tout est lié. Ces films-là s’écrivent à deux. Et les faillites individuelles de l’équipe espagnole ont aussi une cause. Prenons l’exemple de Luis Suarez. Emprunté, énervé, l’Uruguayen montre son mauvais côté parce qu’il respire l’haleine de Presnel Kimpembe dans sa nuque à chaque ballon touché. Ce dernier est royal, imperméable. Il montre au monde entier qu’il a les épaules pour incarner la relève. Lionel Messi, lui, est errant, presque absent. Cette action en début de match où le jeune titi parisien le fait reculer jusqu’à perdre le ballon sonne comme un symbole. Neymar est le seul à tirer son épingle du jeu. Mais le lien entre les lignes est encore plus alarmant pour le Barça. Ce qui est frappant, c’est que l’équipe de Luis Enrique ne parvient jamais à se structurer pour sécuriser la perte du ballon. L’incroyable no man’s land de son milieu de terrain sur trois des quatre buts en est une illustration parfaite.

 

Zones libres au milieu après la perte du ballon pour Barcelone. Projection de Layvin Kurzawa pour le troisième but sur la première image, puis de Thomas Meunier pour le quatrième sur la seconde.

 

À partir de là, les dépassements de fonction des Parisiens deviennent une arme terrible. Le style d’Adrien Rabiot est précieux quand il est dans ses bons jours. Là où Thiago Motta use de sa science du placement et de sa précision dans la passe, Rabiot propose une autre verticalité par ses courses. En imageant, il mange tout ce qu’on lui propose quand l’Italien nettoie les miettes le plus proprement possible. Les deux latéraux jouent aussi un rôle important. Après Layvin Kurzawa sur le troisième but, Thomas Meunier plonge dans cet espace libre au milieu (après s’être joué de Neymar par un joli double-contact), puis décale Edinson Cavani qui marque sur une frappe sèche et fait entrer l’enceinte dans une extase totale (70e).
Au contraire des Barcelonais, les Parisiens ont su créer de l’espace. Dans chaque partie du terrain, les joueurs qui évoluent dans des positions proches ne sont jamais restés sur la même ligne. Ces petites triangulations dans toutes les zones pour sortir, avancer et créer le décalage sur chaque transition ont constitué l’essentiel de leur match. Cela nécessite une justesse technique, c’est une base indispensable. Cela exige aussi une dépense physique pour accompagner les actions et prendre les espaces créés par le mouvement. Et cela demande surtout l’intelligence et la cohérence tactique pour faire les bons choix de passe. Et finir.
Ce match restera donc une concrétisation suprême de l’idée de jeu d’Unai Emery. Il était attendu. Pour cela, au moins, il est à surligner dans la carrière de l’Espagnol à Paris. Si les résultats ne sont que des marques, des messages diffusés ici ou là, la réussite d’un projet se mesure dans ce type d’image. Et la vérité de ce soir-là, c’est que Paris a avancé. Bien-sûr, personne n’aurait imaginé la suite. Mais il en fallait une. Elle appartient déjà à l’histoire.